PORTRAIT. Gagnante de la 12^e saison de « Star Academy », Marine signe un premier album touchant. Une chanteuse sincère, pleine d’incertitudes, qui doit composer avec le succès de ses prédécesseurs.

Elle nous rejoint tout sourire, jean brut et pull marinière, dans les studios de Sony Music France. En pleine tournée de la Star Academy, Marine enchaîne les interviews, la fatigue pointant par moments dans le regard. « Ça va ? » lui demande-t-on, les yeux rivés sur la pile de 800 affiches à dédicacer qui l’attendent en bout de table, et sur la gélule de magnésium qu’elle avale devant nous. « Rien de grave, juste une veine un peu gonflée, avec la tournée… »

Ce tourbillon, Marine le vit depuis sa victoire à Star Academy en décembre 2024, il y a cinq mois : tournée, écriture, enregistrement, sortie de son premier album, et déjà la plongée dans la préparation d’une tournée solo qui débutera fin novembre. À 25 ans, la jeune femme originaire de Saint-Nicolas, près d’Arras, souhaite s’imposer dans le paysage musical français avec une sincérité rare, la force de sa voix et l’écriture affûtée.

Pianiste depuis l’enfance, touche-à-tout passée aussi par le violoncelle et le ukulélé, elle a longtemps hésité entre la scène et les études de chirurgie dentaire avant de bifurquer, sans retour, vers le micro et le carnet à chansons. Résultat : elle sort cette semaine un premier album personnel, Cœur maladroit, porté par ses émotions, sa fougue… et des doutes infinis.

Pour ce premier album, Marine s’est bien entourée. Notamment d’Eddy de Pretto, qui a écrit pour elle le morceau introductif, « Fille ordinaire », mais aussi de compositeurs venus l’aider à « partir de zéro » sur certains morceaux. « Je n’ai pas tout fait toute seule, et je trouve ça bien d’apprendre des autres. Je ne suis pas sûre de vraiment bien écrire », nous confie l’artiste. Et pourtant. Avec des titres comme « Ma faute » ou « Gemme », écrits en solo dans la petite cabine que son père, chauffeur poids lourd et bricoleur du dimanche, lui avait construite dans sa chambre, Marine prouve qu’elle sait écrire, simplement.

À papa, qui a écouté chaque nouvelle maquette avant les pros du label et l’a conseillée dans ses choix, elle dédie d’ailleurs son album. « Je lui envoie tout. Et il me répond par des longs messages précis, il me conseille sur des sonorités. C’est peut-être le seul qui a toujours cru que ça finirait par marcher. »

Fragilités, angoisses, complexes : l’autre versant de Marine

Si depuis leur sortie, les deux singles de Marine cumulent les millions d’écoutes, la jeune chanteuse lutte encore contre les assauts du doute. En pleine tournée de la Star Ac’, elle sent que la concurrence est rude : « On sort tous notre projet en même temps. On a tous notre place, mais je n’ai pas l’impression d’avoir un truc en plus. » Et de porter sur ses frêles épaules le poids des sempiternelles comparaisons : « Angèle, Helena… Est-ce que j’arrive pas trop tard ? Est-ce que j’ai un vrai univers ? » se questionne-t-elle. « Je n’y suis pour rien, c’est comme ça, elles sont arrivées avant moi », explique-t-elle comme si elle était sommée de se justifier.

C’est vrai, Helena s’invite beaucoup dans l’exercice de promo de la jeune artiste. Il faut dire que les fans de la demi-finaliste de la saison précédente de Star Academy ne sont pas toujours tendres avec la petite Marine, qu’ils accusent de vouloir copier leur idole… « Ils me reprochent d’évoquer les mêmes sujets qu’elle… Ce n’est pas vrai et puis de toute façon, nous avons le même âge, donc forcément, nous avons des thématiques communes… Ils me reprochent même de sortir trois pochettes différentes de mon disque, comme Helena l’a fait avec le sien… », commente-t-elle. « Bon, après, j’ai aussi beaucoup de soutiens et il faut apprendre à faire avec les critiques », conclut-elle, en haussant les épaules, dans un sourire.

L’étiquette Star Academy serait-elle trop lourde à porter ? « Je sais bien que je serai toujours Marine de la Star Ac‘. Sans cette aventure, je ne connaîtrais pas ce succès. Pas question de cracher dans la soupe… » Mais la jeune femme souhaite, désormais, être vue comme Marine. « À la sortie de l’émission, je me suis demandé : “Mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir apprendre au public, étant donné qu’il m’a vue pendant quatre mois en live ? Mais je pense qu’il me reste beaucoup de choses à montrer, au final. J’ai pas tout raconté non plus. »

Ses interrogations, la chanteuse les aborde frontalement dans le morceau « M’aimer tout le temps », dans lequel elle expose ses complexes. « J’ai tant prié pour ça / Pour ne plus douter de moi / Mais je cherche encore l’erreur / Les fleurs sont plus belles ailleurs. » Car longtemps, l’anxiété l’a freinée. « Avant, je faisais une crise d’angoisse par jour. J’avais tout le temps peur d’en faire, ça me fatiguait, je devenais hypochondriaque… C’était infernal. Depuis le château, plus rien. C’est fou. Je crois que c’est parce que je vis enfin la vie que je voulais. Reste le trac, le stress du métier. Mais ça, c’est normal ! »

Le Nord dans le cœur, mais les pieds sur terre

Sans détour, le cœur honnête, Marine dessine en treize titres, le portrait d’une jeune femme ordinaire, maladroite, sincère, attachée à ce qui l’a construite. Ses racines, sa région, le Nord, elle les célèbre dans « Les Gens bien », véritable déclaration d’amour à ses origines. « Je suis une fille populaire, avec l’accent, et j’en suis fière. »

Une chanson qu’elle est venue défendre, un peu embarrassée, sur le plateau de l’émission Quotidien sur TMC: « Je ne voulais pas qu’on pense que je considère les gens du Nord comme les seuls gens bien », nous avoue-t-elle. « Je sais bien qu’il y a des cons partout. » Car la finale de Star Academy, qui l’a opposée à Ebony, n’a pas laissé que des souvenirs lumineux. Très vite, une opposition binaire s’est installée, nourrie parfois par des commentaires ouvertement racistes et sexistes d’une violence inouïe sur les réseaux sociaux.

Pendant des semaines, Ebony a été sexualisée, insultée pour sa couleur de peau, son style, son physique. Une haine en ligne telle qu’Endemol, SOS Racisme et la Maison des Potes ont porté plainte. Marine ajoute, lucide : « On m’a un peu prise à partie à la sortie de l’émission parce qu’il y a eu du racisme venant de gens du Nord. Je ne veux pas faire l’apologie de ça. Aujourd’hui, les amalgames vont vite… C’était juste un hommage à ma région. »

Encore aujourd’hui, le public scande « Marine ! » ou « Ebony ! » en décalé sur les dates de la tournée. « C’est dingue… Nous, on s’en fiche, on s’entend très bien avec Ebony, mais les gens se sentent obligés de choisir, comme si c’était politique. »

Dans son album, la chanteuse parle d’elle sans fard, évoque des sujets intimes comme dans « Dalida », chanson pudique sur sa grand-mère atteinte d’Alzheimer « Effacés en un instant / Les souvenirs de ces moments / Une vie oubliée en un an / Aujourd’hui tout est différent ». de ses fragilités, de sa détresse, il en est question dans « Reste d’averses »: « Où est mon sourire sous le masque ? / Pourquoi vouloir faire rire quand je rate ? / Je n’ai que la détresse, dépresse, des restes d’averses / En moi, en moi, en moi ».

Et puis, évidemment, cet album parle de l’amour, de celui qu’elle attend et avec lequel elle n’a pas toujours su se débrouiller, comme elle le chante dans « Coeur maladroit » qui donne son titre à cet opus : « Je suis un cœur d’artichaut. Je m’attache vite, je fais confiance vite. Mes chansons d’amour parlent souvent de trucs ratés, foireux… c’est plus marrant à écrire . » Entre deux éclats de rire, elle lâche : « J’ai été amoureuse beaucoup de fois. »

À DécouvrirLe Kangourou du jourRépondreCe naturel brut, cette spontanéité, c’est aussi ce qui a fait la différence dans le château de Star Academy. Marine, c’était la bonne copine dotée d’un incroyable sens de la repartie, pitre et imitatrice à ses heures, autant de qualités qui ont fait son succès : « Tout le monde me dit que je devrais faire du stand-up ! C’est vrai que je suis spontanée, que je parle facilement… Mais bizarrement, quand je dois m’exprimer sur scène, je ne suis pas à l’aise. Ça va venir ! » Le vertige n’est pas loin pour la jeune femme, qui le dit elle-même : « Il y a ce qu’on a imaginé et puis il y a la réalité… c’est forcément différent parce que là, on y est  ! »

Qu’elle se rasssure ! Avec plus d’un million d’auditeurs par mois sur Spotify, pour seulement deux singles parus, la chanteuse de 25 ans semble être promise à un bel avenir. Une « fille ordinaire », certes, mais au destin on ne peut plus singulier.