Dernier show pour l’homme en noir : Paris fait ses adieux à Thierry Ardisson

Ce jeudi 17 juillet 2025, sous un ciel chargé d’émotion, Paris a dit adieu à l’une de ses figures les plus marquantes du paysage audiovisuel français. À l’église Saint-Roch, la fameuse “paroisse des artistes”, située en plein cœur du 1er arrondissement, se sont déroulées les obsèques de Thierry Ardisson, décédé le lundi 14 juillet à l’âge de 75 ans. Fidèle à son image de metteur en scène des mots et des émotions, Ardisson avait lui-même orchestré, jusqu’au moindre détail, cette cérémonie qui, à l’instar de sa carrière, ne ressemblait à aucune autre.

Un adieu scénarisé, fidèle à son style

Dès le faire-part, le ton était donné. Dans un noir et blanc graphique, si caractéristique de l’univers visuel d’Ardisson, les mots choisis faisaient écho à son sens de la provocation élégante : « Chers amis, chers ennemis, dernier bonsoir ! » Une formule percutante, presque télévisuelle, rappelant ses célèbres entrées en scène où l’ironie flirtait toujours avec la sophistication.

Signé par sa compagne Audrey Crespo-Mara et les enfants du couple, le document annonçait une cérémonie réservée à une liste restreinte d’invités, et une inhumation dans la plus stricte intimité. Mais même dans ce moment solennel, l’esprit iconoclaste de Thierry Ardisson planait. Il avait tout prévu, jusqu’au moindre détail de la mise en scène de sa propre disparition.

Un dossier posthume en guise de dernier casting

Dès l’annonce de son décès, le 14 juillet, plusieurs rédactions ont reçu un dossier posthume soigneusement préparé par Ardisson lui-même. Un document digne d’un producteur de télévision, dans lequel figurait une liste de sept personnalités à contacter pour prendre la parole : Philippe Corti, Laurent Baffie, Franz-Olivier Giesbert, Léa Salamé, Catherine Barma, Anne Méaux et Marie-France Brière — celle qui l’avait fait débuter à la télévision. Une sélection pensée comme un ultime casting, témoin de la fidélité de l’homme à ses complices de toujours.

Le style Ardisson jusqu’au bout des épaules

Autre singularité : un dress code digne d’un générique de Tout le monde en parle. Le faire-part stipulait que les invités devaient venir habillés dans le “style Ardisson”, noir absolu, costumes élégants, avec ou sans lunettes noires. Un hommage textile à celui qu’on surnommait “l’homme en noir”, plus gothique que jamais. En bas du faire-part, une signature finale : « Roch never dies », savoureux jeu de mots entre l’église Saint-Roch et le mot rock, comme pour dire que la scène ne s’éteint jamais tout à fait.

Trois femmes, deux chansons, et beaucoup d’encens

Thierry Ardisson n’avait rien laissé au hasard. Dans une interview accordée au Parisien quelques années plus tôt, il confiait vouloir une cérémonie religieuse “avec la totale” : encens, enfants de chœur, solennité. Ce vœu a été exaucé ce jeudi, dans une église pleine d’un parfum mystique.

Autre souhait exprimé : la présence des trois femmes importantes de sa vie. Christiane Bergognon, sa première épouse ; Béatrice Loustalan, mère de ses enfants ; et Audrey Crespo-Mara, sa compagne jusqu’à la fin, étaient attendues en tête de cérémonie.

Côté musique, sa “playlist funèbre” disait tout de son imaginaire. En ouverture, Lazarus de David Bowie — chanson-testament d’un autre dandy obsédé par la finitude — a enveloppé l’assemblée d’un frisson. Puis est venue In My Life des Beatles, interprétée par Sean Connery, version rare, élégante et mélancolique à souhait.

Une dernière apparition en prime-time

La veille de la cérémonie, TF1 rendait hommage à Ardisson avec la diffusion du documentaire La face cachée de l’homme en noir, réalisé par Audrey Crespo-Mara. Témoignages émouvants, images d’archives inédites, confidences intimes : tout y était. Une dernière mise en lumière, à l’heure de grande écoute, comme il les affectionnait. Ardisson, jusqu’au bout, aura contrôlé son image, même dans l’au-delà.

Une pluie de visages connus à Saint-Roch

Dès 15h55, les premiers invités ont franchi les portes de Saint-Roch. Audrey Crespo-Mara, accompagnée de leurs deux fils, Sekou et Lamine Mara, a ouvert le cortège. Suivaient de nombreuses figures du monde des médias, de la politique et de la culture : Ara Aprikian, Rodolphe Belmer, Robert Namias – piliers du groupe TF1 – ont pris place dans les travées de l’église. Mais aussi Laurent Baffie, Patrick Timsit, Léa Salamé, Armande Altaï, et même Brigitte Macron, tous venus saluer une dernière fois celui qui aura su, pendant plus de quatre décennies, faire du silence un art, et de la télévision une scène.

L’ultime pirouette

Avec ce dernier adieu chorégraphié comme une émission, Thierry Ardisson s’offre une sortie à son image : théâtrale, élégante, insolente et maîtrisée. L’homme en noir quitte le plateau de la vie, mais laisse derrière lui une empreinte indélébile, entre cynisme brillant, humour noir et passion absolue pour la mise en scène.

Et tandis que les cloches de Saint-Roch résonnaient, une phrase semblait planer au-dessus des têtes, murmurée comme un générique final : “Bonsoir Thierry… et merci pour le show.”