Le Petit Prince de la chanson française s’en est allé : adieu à Pascal Krug

Le monde de la musique française pleure l’un de ses plus tendres symboles. Pascal Krug, connu du grand public sous le pseudonyme de Le Petit Prince, s’est éteint à l’âge de 73 ans dans la région de Vaud, en Suisse. L’annonce de sa disparition, communiquée par sa famille le 29 juillet, a ravivé l’émotion d’une époque révolue, celle des années yéyé, marquée par l’innocence, la fraîcheur et une révolution musicale aux couleurs pop.

Pascal Krug n’était pas simplement un enfant chanteur ; il était l’incarnation même d’un certain rêve français, celui de voir un jeune garçon au regard doux et à la voix cristalline devenir l’idole d’une génération. Son parcours, aussi fulgurant qu’émouvant, mérite d’être raconté une nouvelle fois, pour saluer la mémoire d’un artiste discret mais inoubliable.

Une étoile repérée très tôt

C’est à Lausanne, dans les années 60, que débute le conte musical de Pascal Krug. Passionné par la guitare dès l’enfance, il est repéré par le légendaire producteur Eddie Barclay alors qu’il n’a que 11 ans. L’homme d’affaires, fin connaisseur de talents, décide de miser sur ce jeune garçon au charme naturel. Il lui fait enregistrer un premier 45 tours intitulé C’est pas drôle, écrit par Jean-Jacques Debout. Ce disque, bien que modeste, marque les débuts d’un phénomène.

Sur la pochette, Pascal se présente avec une simplicité désarmante : « Pascal, c’est mon nom, mais l’on m’appelle le Petit Prince… ». Ce surnom, emprunté au célèbre personnage de Saint-Exupéry, deviendra son nom de scène officiel et scellera son image d’enfant à la fois rêveur et touchant.

Le succès éclatant de “C’est bien joli d’être copains”

C’est en 1963 que Le Petit Prince explose véritablement sur la scène musicale avec le titre C’est bien joli d’être copains, composé par Billy Nencioli et Jacques Revaux. La chanson, aux sonorités joyeuses et aux paroles tendres, conquiert immédiatement le cœur du public. Elle grimpe rapidement en tête des hit-parades, et Pascal devient l’invité incontournable des plateaux télévisés.

Avec son sourire lumineux, sa timidité charmante et sa voix d’ange, Le Petit Prince séduit la France entière. Il devient l’un des visages emblématiques de la vague yéyé qui déferle sur le pays, aux côtés de Sheila, Sylvie Vartan ou encore Claude François.

L’enfant chéri de Claude François

C’est d’ailleurs Claude François qui reconnaît très tôt le potentiel du jeune Krug. Le célèbre Cloclo l’invite dans son émission Demandez le programme, une vitrine médiatique exceptionnelle. Impressionné par son charisme, Paul Lederman — alors impresario de Claude François — décide de l’emmener en tournée nationale. C’est ainsi que Le Petit Prince se retrouve à partager la scène avec les plus grandes vedettes de la chanson française.

Ce tour de chant à travers la France est une consécration pour le jeune artiste, qui devient l’idole des jeunes. Mais ce conte de fée musical connaîtra une fin aussi douce-amère qu’inévitable.

Une voix qui mue, une carrière qui s’éteint

Comme bien des enfants stars avant lui, Pascal Krug voit sa carrière brutalement freinée par l’adolescence. Sa voix mue, perdant cette pureté enfantine qui avait fait son succès. Le personnage du Petit Prince, étroitement lié à son timbre angélique, ne survit pas à ce changement.

Des années plus tard, avec une lucidité désarmante, Krug confiera : « Ma voix a mué, et Le Petit Prince a disparu du monde du spectacle. » Cette phrase résume avec une poignante simplicité la fragilité des carrières précoces.

Un témoin précieux de l’époque yéyé

Si son passage sur le devant de la scène fut bref, il n’en fut pas moins marquant. Pascal Krug a laissé une empreinte durable dans l’imaginaire collectif. Il figure d’ailleurs sur la fameuse Photo du siècle prise par Jean-Marie Périer, aux côtés des plus grandes icônes de l’époque : Johnny Hallyday, Françoise Hardy, Michel Polnareff…

Cette image historique l’a immortalisé comme l’un des symboles d’une jeunesse insouciante, bercée par les refrains légers et colorés de la décennie yéyé.

Une vie loin des projecteurs

Après avoir quitté le monde du show-business, Pascal Krug n’a jamais complètement tourné le dos à la musique. Il travaille en tant que choriste pour Eddy Mitchell, puis partage un duo avec Frank Alamo sur le titre Chante avec moi. Cependant, il choisit une vie plus stable et anonyme.

Installé dans le canton de Vaud, en Suisse, il devient fonctionnaire. Il fonde une famille, a cinq enfants, et mène une existence paisible, loin des feux de la rampe. Malgré une période difficile marquée par un divorce et une dépression, il ne cessera jamais de composer dans l’ombre, gardant toujours vivante cette flamme musicale qui l’avait animé enfant.

Un retour tardif mais sincère

En 2015, Pascal Krug réalise un rêve longtemps enfoui : il sort un album intitulé Mon temps n’est jamais perdu. Ce projet, mûri durant de longues années, marque un retour émouvant à la création artistique. À travers ses chansons, il évoque ses souvenirs, ses blessures, mais aussi sa résilience.

Cet album, loin des projecteurs médiatiques, est une déclaration intime, une manière de clore la boucle. Il témoigne d’un amour intact pour la musique, malgré les silences et les épreuves de la vie.

Le Petit Prince pour toujours dans les mémoires

Pascal Krug nous laisse aujourd’hui une œuvre modeste mais lumineuse, reflet d’une époque et d’un destin hors du commun. Il fut un météore dans le ciel de la chanson française, traversant les cœurs avec la douceur d’un refrain d’enfance.

Son histoire rappelle que la gloire peut être éphémère, mais que l’émotion, elle, ne s’efface jamais. Le Petit Prince restera dans les mémoires comme l’ange blond d’une génération, le chant d’un été sans fin.

À sa famille, à ses proches, et à tous ceux qu’il a touchés par sa voix ou son humanité, vont nos pensées les plus sincères.