Au début de l’été, l’air parisien semblait tenir son souffle. La Seine glissait lourde et silencieuse, et la ville, brûlée par la lumière du matin, n’était qu’un chaos d’échafaudages, de klaxons et de pas pressés. Antoine, casque sur les oreilles, se faufilait dans son studio exigu du 18ᵉ arrondissement. Sur sa porte, une affichette arrachée indiquait les travaux: “Mise aux normes – Intervention gaz – Merci de votre compréhension.”
Il n’avait aucune compréhension. Juste un rendez-vous professionnel, un train à attraper, et l’impression d’être constamment en retard sur lui-même.
Il agrippa son sac, décoiffa ses cheveux châtains déjà en bataille, et se glissa dans le couloir. Devant la porte de l’immeuble, une annonce froissée était collée à la vitre du local technique: “Défaillance du système – intervention d’urgence – immeuble temporairement inaccessible.” Encore. Antoine jura, retira son casque et le laissa pendre autour de son cou. C’était l’unique casque qu’il utilisait pour ses prises de son — son travail de monteur son lui faisait trimballer cet équipement comme une extension de lui-même.
Il descendit les escaliers quatre à quatre, bousculant un voisin qui s’excusa sans conviction. Une fois dehors, l’air parisien le frappa: dense, humide, vivant.
« Allez, respire, mon vieux… » se murmura-t-il.
Il enfourcha son vieux vélo électrique, programme un trajet sur son téléphone, et se lança dans la circulation. Paris vibrait, grondait. Sur le boulevard Magenta, un livreur faillit le renverser.
— T’es malade ou quoi ?! cria Antoine.
Mais la voix se perdit dans le tumulte des sirènes et des passants.
Un virage. Un choc. Un cri.
Son vélo glissa en heurtant une petite borne métallique mal signalée. Antoine fut projeté sur le trottoir, son casque s’échappa de son sac et roula jusqu’au bord de la route.
Un instant de silence. Puis la douleur.
Il se redressa péniblement, regarda ses mains écorchées, et récupéra son casque, une fissure nette parcourant désormais la coque.
« Super. Juste super… »
Ses yeux se posèrent alors sur un flyer bleu, envolé depuis son sac: “Exposition des Peintres de la Côte – Marseille – Port du Vallon.”
Il l’avait reçu d’une connaissance lointaine. Une invitation à aller rencontrer une jeune artiste dont on vantait la vision singulière. Antoine avait souri en la lisant. Marseille? Trop loin, trop chaud, trop improvisé. Pas pour lui. Et pourtant, il n’avait pas jeté le papier.
Il le ramassa, et, sans trop réfléchir, se dit qu’il avait besoin d’air. De vrai air. Pas celui saturé de colère parisienne. Le train pour Marseille partait dans une heure.
Il serra les dents.
« Bon… pourquoi pas. »

Quelques heures plus tard, la Méditerranée étendait devant lui sa lente respiration bleue. Rien à voir avec Paris. Les cris lointains des mouettes, l’odeur du sel, la lumière écrasante sur les rochers calcinés… Antoine marchait en direction du Vallon des Auffes, sans savoir exactement ce qu’il cherchait.
C’est alors qu’il la vit.
Une jeune femme, vêtue d’une chemise pâle nouée à la taille, un foulard clair attachant ses cheveux au vent. Elle portait son casque à la main — un casque de scooter, marqué par l’usure du voyage.
Son scooter, posé près des rochers, semblait attendre une nouvelle aventure. Elle, en revanche, regardait la mer comme si elle l’écoutait respirer.
Antoine resta un moment immobile.
Elle avait quelque chose d’étrange. Une douceur mélangée à une force silencieuse. Une présence.
Elle se retourna, ses yeux gris accrochèrent les siens.
— Vous êtes perdu ? demanda-t-elle, l’accent du sud légèrement traînant.
— On dirait bien, répondit Antoine, surpris par la franchise de sa propre voix.
Elle sourit.
— Alors vous êtes au bon endroit. Ici, tout le monde se perd. C’est même pour ça qu’on y revient.
Son prénom était Élise. Peintre. Fille du littoral, élevée entre les phares, les barques des pêcheurs, et les senteurs de romarin brûlé sur les collines.
Elle préparait une exposition inspirée de ses souvenirs: l’eau, les matins de mistral, les départs des bateaux au lever du soleil.
— Tu connais le Frioul ? lui demanda-t-elle un soir, en rangeant ses pinceaux dans son atelier improvisé, une petite cabane en bois sur la corniche.
— Seulement de nom.
— Alors viens. Il y a un endroit là-bas… un endroit où je vais quand j’ai besoin de me souvenir.
Ils prirent son scooter, filant sur la route côtière. Le vent rugissait autour d’eux. Antoine, cramponné à la taille d’Élise, sentit pour la première fois depuis longtemps cette sensation oubliée:
être vivant.
Le bateau pour l’île les déposa à quelques mètres des rochers blancs. Ils marchèrent en silence jusqu’au vieux phare abandonné.
Élise s’assit, posa son casque à côté d’elle.
— Mon père était gardien de phare. Il m’a appris à écouter la mer. À comprendre qu’elle ne dit jamais la même chose. C’est pour ça que je peins.
Elle regarda l’horizon, les épaules légèrement tremblantes.
— Parfois, je me demande si… si je retrouverai un jour cette paix-là.
— Tu la portes encore, dit Antoine. Même si tu ne la vois pas.
Elle tourna vers lui un regard surpris, presque fragile.
Antoine avait l’impression de lui dire quelque chose qui le dépassait. Comme si la mer parlait à travers lui.
Le soleil couchant teinta les falaises d’un orange profond. Ils restèrent là longtemps, sans un mot, laissant le vent remplir les silences.
Les jours suivants furent une succession de promenades, de confidences, de silences partagés. Élise lui faisait découvrir ses lieux: les ruelles de Noailles, les escaliers cachés menant à la mer, les parfums des marchés matinaux.
Antoine, de son côté, l’enregistrait. Pas elle. Pas sa voix.
Mais les sons de sa ville, les rires échappés, les notes de guitare d’un musicien de rue, le souffle du vent dans les pins du Frioul.
— Pourquoi tu enregistres tout ça ? demanda Élise.
— Pour ne pas oublier. Je travaille avec le son. Et… je crois que j’ai toujours peur que les choses disparaissent si je ne les garde pas quelque part.
— Les souvenirs ne disparaissent pas, Antoine. Ils changent. C’est tout.
Il la regarda, frappé par la simplicité de ses mots.
— Et toi ? demanda-t-il. Qu’est-ce que tu cherches, au juste, dans tes tableaux ?
— Je cherche la mer. Ou peut-être… je cherche ce que j’ai perdu.
Elle sourit tristement.
Antoine ne posa pas de questions. Il sentait qu’Élise avançait sur une ligne fragile entre force et douleur.
Un soir, alors que Marseille s’embrasait sous les lumières du port, ils traversèrent la ville en scooter. Antoine portait le casque d’Élise, trop grand pour lui mais couvert de traces, de souvenirs, de voyages.
À un feu rouge, Élise se tourna vers lui.
— Tu sais… j’aimerais faire un tableau de toi. Pas ton visage. Toi dans un endroit que tu aimes. Où est-ce que tu te sens chez toi ?
Antoine resta paralysé.
« Chez moi ».
Il n’avait jamais su répondre à cette question.
— Je n’en ai aucune idée.
Élise hocha la tête, sans jugement.
— Alors on va le construire. Ensemble.
Elle redémarra le scooter. Antoine sentit le vent chaud lui caresser le visage.
Il se dit qu’il pourrait peut-être… rester un peu.
Mais les miracles durent rarement.
Un matin, alors qu’ils installaient des toiles dans l’atelier, Élise reçut un appel. Elle s’éloigna, la voix brisée, les yeux soudain vidés de lumière. Antoine comprit avant même qu’elle ne parle.
— C’était l’hôpital de Montpellier… murmura-t-elle.
Ils ont admis ma mère. C’est grave. Ils… ils ne savent pas si elle passera la nuit.
Elle prit son casque, trembla en essayant d’attacher la jugulaire.
Antoine s’approcha doucement.
— Je viens avec toi.
Elle leva les yeux, hésita, puis secoua la tête.
— Non. C’est mon histoire. Pas la tienne.
— Élise…
— Je t’expliquerai plus tard. Ne viens pas. S’il te plaît.
Elle monta sur son scooter, le moteur rugit, et elle disparut dans la lumière blanche du matin, sans un regard en arrière.

Antoine resta seul dans l’atelier silencieux.
Il trouva son casque fissuré — celui qu’il avait endommagé en tombant à Paris — posé sur une table, à côté d’un petit mot griffonné:
“N’oublie pas de respirer. — Élise.”
Il le prit entre ses mains.
Le plastique cassé semblait raconter l’histoire entière.
Alors il fit quelque chose qu’il ne faisait jamais:
il écouta.
Le vent.
La mer.
Le souvenir d’Élise.
Puis il remonta le long de la corniche jusqu’au Frioul. Le phare était vide. Le ciel gris. La mer lourde.
Il posa le casque au sol, face à l’horizon.
— C’est là que tu es chez toi, Antoine, murmura-t-il comme pour s’en convaincre. Ici. Pas à Paris. Pas dans le passé. Ici, avec elle.
Il ferma les yeux.
Une rafale souleva soudain le casque, le fit rouler sur les rochers jusqu’au bord du vide. Antoine se précipita, le rattrapa juste avant qu’il ne tombe dans la mer.
Il resta là, seul, le cœur battant à toute vitesse.
Et alors, il comprit.
Il fallait qu’il la retrouve.
Le train pour Montpellier partait dans une heure. Antoine n’hésita pas.
Le soir tombait quand il arriva à l’hôpital. Le couloir sentait le désinfectant et la fatigue. Élise était assise sur un banc, les mains crispées entre elles. Ses yeux se levèrent, étonnés de le voir.
— Antoine… je t’avais dit de ne pas venir.
— Je sais. Mais tu n’es pas seule. Pas pour ça.
Elle baissa les yeux.
Ses doigts tremblaient.
— Elle dort… dit-elle d’une voix éteinte. Les médecins ne savent pas. Ils ne peuvent rien promettre.
Antoine s’assit à côté d’elle.
Il ne parla pas.
Il ne toucha pas ses mains.
Il resta simplement là, avec elle, comme une présence silencieuse, solide.
Après un long moment, Élise souffla:
— J’ai eu peur. Peur que… que si tu voyais cette partie de ma vie, tu disparaisses toi aussi.
— Je suis là, répondit-il doucement. Je suis là tant que tu voudras.
Les larmes d’Élise coulèrent lentement.
Antoine posa son casque fissuré sur ses genoux.
— Tu vois cette cassure ? dit-il.
Je voulais la réparer. Puis j’ai compris quelque chose.
Ce n’est pas la fissure qui compte.
C’est ce qu’elle raconte.
Élise leva les yeux vers lui, bouleversée.
— Tu es fou, Antoine.
— Un peu, oui.
Elle sourit, un sourire fragile mais vrai, celui qu’il croyait avoir perdu ce matin-là.
— Alors… reste avec moi cette nuit ?
— Autant que tu voudras.
Antoine lui prit la main.
Dans la lumière froide de l’hôpital, leurs ombres se mêlèrent au sol.
La mer n’était pas là, mais Antoine la sentait battre dans sa poitrine.
Et pour la première fois depuis longtemps, il se sentit chez lui.
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