Rencontre sous tension : ce que les agriculteurs disent vraiment de leur face-à-face avec Emmanuel Macron à Toulouse

Mercredi 12 novembre, à Toulouse, l’atmosphère était lourde, électrique, et chacun retenait son souffle. Emmanuel Macron, en déplacement officiel, rencontrait une délégation d’agriculteurs profondément inquiets et même révoltés, à la suite de l’annonce de la future ratification du traité Mercosur. Parmi eux, Pierre-Guillaume Mercadal, connu sous le pseudonyme « Cochon les nœuds » sur YouTube et les réseaux sociaux, avait été invité à participer à cet échange. Le lendemain, dans une vidéo publiée sur sa chaîne, il a livré un compte-rendu saisissant et troublant, décrivant un entretien marqué par l’incompréhension, la colère et un malaise persistant.

Dès les premières minutes de sa vidéo, Pierre-Guillaume annonce la couleur. Il confie qu’il n’attendait rien de cette rencontre, qu’il imaginait une « immense mascarade ». Pourtant, dit-il, la réalité l’a dépassé. À son retour chez lui, il affirme avoir ressenti un mélange de tristesse, de rage et de dégoût. « Je suis rentré, j’en avais mal au ventre », explique-t-il. Ce qu’il a entendu et vu ce jour-là l’a profondément marqué.

Lorsque le président de la République est entré dans la salle, un silence pesant s’est installé. Pierre-Guillaume, d’habitude peu impressionnable, reconnaît avoir ressenti quelque chose d’inédit : « On m’a souvent dit qu’il avait un charisme hors du commun, qu’il était extrêmement intelligent. Je n’ai jamais voulu le croire. Mais hier, il m’a impressionné. » Et d’ajouter aussitôt qu’il ne s’agit ni d’admiration ni de sympathie, mais d’une forme d’impact psychologique difficile à décrire. « J’ai eu l’impression de rencontrer le diable », lâche-t-il, une phrase forte qui résume le trouble que cette rencontre a provoqué en lui.

Il poursuit : « J’ai eu l’impression de rencontrer quelqu’un qui n’était limite pas humain. Il a un pouvoir de persuasion tellement fort… Il pourrait vendre du sable à des Bédouins les yeux fermés. » Selon lui, ce charisme déstabilisant expliquerait comment certains électeurs ont pu être séduits par Emmanuel Macron. « J’ai toujours pensé qu’il fallait être idiot pour voter Macron. Hier, j’ai compris comment les gens se sont fait avoir. »

Dans la salle, les représentants syndicaux et les agriculteurs étaient nombreux. Pourtant, Pierre-Guillaume affirme fièrement qu’il a été le seul à oser « lui rentrer dedans ». Les autres, dit-il, sont restés impressionnés, silencieux, ou paralysés par la force rhétorique du chef de l’État. Cette dissymétrie entre le pouvoir politique et ceux qui viennent exprimer leur détresse apparaît, dans son récit, comme un moment troublant.

Au cœur des échanges : le traité Mercosur. Les agriculteurs redoutent ce texte depuis des années, craignant une concurrence totalement déloyale et un effondrement de leur modèle économique. Et là encore, les propos rapportés par Pierre-Guillaume sont glaçants. Emmanuel Macron leur aurait expliqué qu’il ne disposait pas de la minorité de blocage nécessaire pour empêcher la ratification. Autrement dit : même s’il le voulait, il ne pourrait pas s’y opposer.

Ce qui a révolté les agriculteurs, c’est la suite. Selon Pierre-Guillaume, le président leur aurait tenu un discours surprenant, presque cynique : s’ils ne veulent pas de ce traité, c’est aux agriculteurs français d’aller convaincre eux-mêmes les paysans italiens et espagnols de mettre la pression sur leurs gouvernements. « Mais qui est le chef de l’État en fait ? » s’indigne Pierre-Guillaume. « Et chef de quel État, puisque au final il n’a aucun pouvoir devant l’Europe ? »

Pour beaucoup, cette réponse est un aveu d’impuissance politique. Le président, loin d’offrir des solutions, renverrait la responsabilité à ceux qui subissent déjà le poids de décisions prises ailleurs. Le sentiment d’abandon, déjà profond dans le monde agricole, semble s’être encore aggravé ce jour-là.

Dans sa vidéo, Pierre-Guillaume encourage ses abonnés à la regarder rapidement, estimant que certains propos pourraient poser problème et potentiellement la faire supprimer. Cette manière d’alerter témoigne à la fois de son inquiétude et de sa détermination à rendre compte fidèlement de ce qu’il a vécu.

Ce récit, brut et plein d’émotions, se termine sur un avertissement. « Cette histoire de Mercosur est une véritable bombe à retardement », déclare-t-il. D’autres agriculteurs ont également pris la parole, exprimant un profond désarroi et une colère grandissante face à ce qu’ils perçoivent comme une déconnexion totale du pouvoir politique. Pour eux, ce traité symbolise l’abandon d’une profession déjà fragilisée par les crises économiques, les normes étouffantes, la concurrence extérieure et les relations souvent tendues avec les institutions européennes.

Dans les campagnes françaises, le malaise agricole ne cesse de croître. Entre désespoir, incompréhension et sentiment d’être sacrifiés sur l’autel du commerce international, cette réunion toulousaine apparaît comme un moment révélateur. Révélateur de l’écart qui se creuse, de la fracture qui s’élargit, mais aussi du besoin urgent d’un dialogue réel, d’un engagement concret et d’une reconnaissance sincère des difficultés du monde paysan.