La  télévision française a vécu, depuis une décennie, au rythme régulier de deux piliers incontournables : La Stagiaire, avec Michèle Bernier dans la peau de Constance Meyer, et Alex Hugo, porté par Samuel Le Bihan en garde forestier solitaire au cœur des montagnes.

Deux fictions qui, en apparence, n’ont rien en commun par leurs univers et leurs styles, mais qui partagent une rare particularité : une longévité remarquable, une fidélité sans faille de leur public et une capacité à se renouveler sans jamais trahir leur identité. Alors que la saison 10 de La Stagiaire s’est achevée sur France 3 le 30 septembre 2025 et que la saison la plus récente d’Alex Hugo vient également de se clore, la comparaison s’impose : pourquoi ces deux séries séduisent-elles autant, et quels en sont les points forts ou les limites qui rassemblent ou divisent les spectateurs ?

La Stagiaire est née d’un concept à la fois familier et original : Constance Meyer, une juge stagiaire de 50 ans, marquée par un passé chaotique, entre dans l’univers exigeant de la justice avec sa maturité, son entêtement et sa sensibilité. Arrivée à sa dixième saison – un chiffre rare dans la fiction française –, la série conserve toute sa vigueur. Cette saison a offert son lot d’affaires complexes, mais le point culminant fut l’épisode final, diffusé le 30 septembre 2025 sous le titre Le bien par le mal.

Un procureur, ancien camarade d’études de Quiring, est retrouvé mort dans des circonstances mystérieuses. Constance, personnage central, se lance alors dans l’enquête au péril de sa vie. Parallèlement, Barth et Antoine préparent le procès de Lola, ajoutant une intrigue secondaire riche en tension dramatique. En conjuguant dimension judiciaire et vie privée, La Stagiaire dépasse le cadre du simple polar procédural pour dresser le portrait d’une femme confrontée aux préjugés liés à l’âge, au genre et aux épreuves familiales.

Fait remarquable : malgré sa longévité, la série conserve un socle d’audience impressionnant. Les cinq épisodes de la saison 10, diffusés du 26 août au 23 septembre 2025, ont rassemblé en moyenne plus de 4 millions de téléspectateurs, soit 22,2 % de part de marché. Hormis la soirée perturbée par le match France–Islande sur TF1, La Stagiaire a dominé son créneau chaque semaine. Le lancement de la saison a même dépassé les 4,5 millions de curieux (26,5 % de part d’audience), preuve de l’attachement du public à Michèle Bernier et à son équipe. Sans surprise, France 3 a confirmé une onzième saison pour 2026, avec le retour de la distribution habituelle.

À l’opposé, Alex Hugo incarne une autre voie : un polar aux accents contemplatifs, où la nature est un personnage à part entière. Alex, ancien policier marseillais, s’est retiré dans les Hautes-Alpes pour retrouver une forme de sérénité, mais les drames et les crimes continuent de le rattraper. La saison 2025 a encore joué sur ce contraste : un homme en quête de paix, happé par la violence et l’ombre du passé.

Pourtant, les inconditionnels vivent une frustration : chaque année, seuls trois épisodes inédits voient le jour. En août 2025, France 3 a rediffusé Mauvais sang, un épisode haletant inspiré d’une histoire vraie. Une déception pour certains, mais le succès reste intact : même les rediffusions fédèrent plus de 3 millions de téléspectateurs et dominent souvent la soirée.

Lors d’une interview, Samuel Le Bihan a expliqué ce choix de production. Il confiait réaliser lui-même ses cascades, non sans appréhension : « Une fois, j’ai dû sauter d’un pont suspendu, avec un torrent en contrebas. J’étais sécurisé, mais si mes jambes touchaient l’eau, il aurait été très difficile de me remonter à cause du poids. Je n’avais donc pas droit à l’erreur. Chaque cascade comporte un risque, même si l’on tente de tout maîtriser. » Mais selon lui, la raison du faible nombre d’épisodes n’est pas liée à l’aspect physique : « Si l’on veut des scénarios de qualité, il faut laisser du temps aux auteurs. Nous avons tenté de tourner quatre épisodes par an il y a deux ou trois ans, mais la pression était trop forte pour les équipes. »

Cette exigence explique la stratégie d’Alex Hugo : privilégier la qualité à la quantité, offrir trois téléfilms de 90 minutes par an, chacun pensé comme une œuvre à part entière. Que le public tombe sur un inédit ou une rediffusion, il se retrouve face à une histoire complète, une enquête, mais aussi une introspection. La fidélité de millions de téléspectateurs, y compris pour des reprises, en est la meilleure preuve.

Comparer La Stagiaire et Alex Hugo, c’est mettre en lumière leurs différences. La première évolue dans un univers urbain, entre palais de justice, parquets et salles d’audience, où les tensions naissent des témoignages, des preuves, des confrontations judiciaires et des dilemmes intimes. La seconde se déroule au cœur de paysages grandioses, où le silence des montagnes et la beauté des forêts accentuent le contraste avec la noirceur des crimes. L’une met en scène le tumulte d’un procès, l’autre le mutisme oppressant de la nature. L’une scrute la complexité des rapports humains et des choix moraux, l’autre explore les failles intérieures d’un homme exilé volontaire.

Bien sûr, les deux séries ont leurs limites. Les fidèles de La Stagiaire louent la proximité avec leur quotidien. Constance Meyer n’est pas une héroïne surhumaine : elle est parfois impulsive, émotive, maladroite. Mais cette imperfection nourrit son humanité. Dans la saison 10, son affrontement avec une affaire liée à son passé résonne chez les spectateurs, eux-mêmes confrontés à l’entrelacement du travail et de la vie personnelle.

Laquelle de ces deux séries de France 3 préférez-vous regarder le soir : La Stagiaire ou Alex Hugo ?

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La Stagiaire
Alex Hugo

De leur côté, les amateurs d’Alex Hugo recherchent une forme d’évasion. À l’heure des séries survitaminées, pleines de fusillades et de courses-poursuites, la fiction offre un rythme lent, presque hypnotique. Le vent dans les sapins, le courant d’une rivière, le regard perdu d’Alex suffisent à créer une atmosphère poétique, traversée d’une menace sourde. Samuel Le Bihan insuffle à son personnage une mélancolie permanente, une force fragile qui captive.

Au final, La Stagiaire et Alex Hugo dessinent ensemble une fresque riche pour France 3 : d’un côté, la proximité rassurante et les enjeux familiaux, de l’autre, l’introspection et la dimension quasi philosophique d’un polar contemplatif.

Leur point commun ? La capacité à réunir encore, en 2025, des millions de téléspectateurs à l’heure où l’offre audiovisuelle n’a jamais été aussi vaste. La Stagiaire s’apprête à ouvrir un nouveau chapitre en 2026. Alex Hugo, avec ses trois téléfilms par an, continue d’imposer son tempo singulier. Et, chaque mardi soir, France 3 offre ainsi deux visages opposés mais complémentaires de la fiction française : un tribunal vibrant d’humanité et une montagne dont le silence raconte, à sa manière, la condition humaine.