Le Piège de l’Identité Européenne : Quand la Survie Nationale Dévore la Solidarité

Ursula von der Leyen và nhiều quan chức cấp cao của EU sắp đến Việt Nam -  24.03.2025, Sputnik Việt Nam

La crise migratoire, telle que cristallisée par le bras de fer explosif entre Rome et Bruxelles, n’est plus une simple question de politique frontalière. Elle est devenue un puissant miroir reflétant la schizophrénie profonde qui déchire le projet européen. L’offensive de Giorgia Meloni, avec son ultimatum et sa rhétorique de “guerre aux passeurs”, a forcé l’Europe à se confronter à la question fondamentale : l’Union est-elle une communauté de valeurs humanistes, ou une simple alliance économique d’États souverains déterminés à protéger leur identité nationale à tout prix ?

L’article précédent dépeint le succès spectaculaire de Meloni dans la réduction des arrivées illégales ($60\ \%$ de moins), célébrant cela comme la victoire du « patriotisme et de la fermeté ». Cependant, cette célébration ignore délibérément le coût humain et moral de cette victoire. En transformant la Méditerranée en une zone de « défense nationale » où les moteurs sont confisqués et les ONG menacées d’amendes colossales, l’Italie franchit une ligne éthique dangereuse. Le rôle des ONG, accusées d’être des « facteurs d’attraction », est justement de pallier l’absence d’une véritable opération de sauvetage européenne. Les criminaliser revient à externaliser la responsabilité morale. L’efficacité des chiffres (moins 60% d’arrivées) masque la tragédie de ceux qui, sans assistance, disparaissent en mer ou sont renvoyés de force dans des pays tiers instables comme la Libye. La question n’est pas de savoir si l’Italie est « anti-migration » ou « anti-travailleurs » (comme le suggère la manœuvre habile des $500\ 000$ visas), mais si elle est « anti-humanité » lorsqu’elle défend ses intérêts. Le succès de Meloni est une défaite pour la notion même de solidarité européenne.

Le rejet du pacte migratoire est au cœur de cette confrontation. L’idée d’une « chambre européenne d’asile » capable d’annuler des décisions nationales est, il est vrai, une atteinte notable à la souveraineté. Mais c’est aussi l’essence même d’une véritable union. Une solidarité à géométrie variable où les pays de première ligne (comme l’Italie) supportent seuls le fardeau des arrivées, tandis que les autres refusent les quotas, est vouée à l’échec. Meloni, en rejetant tout mécanisme de solidarité forcée, ne fait que souligner l’hypocrisie des États membres du Nord et de l’Est qui ont toujours refusé le partage des responsabilités. La Première ministre italienne, en se posant en victime de la bureaucratie non élue de Von der Leyen, joue un rôle populiste efficace, d’autant plus qu’elle bénéficie du soutien écrasant de $77\ \%$ des Italiens. Pourtant, son attaque contre la Commission est une attaque contre les instruments de la coordination européenne. Elle offre une porte de sortie facile aux autres nations pour se décharger de leurs obligations.

Meloni Puts Bond Traders at Heart of Quiet Messaging Strategy - Bloomberg

La pique de Merz – « l’Italie doit comprendre sa place » – bien qu’arrogante, révèle la perception persistante d’une hiérarchie informelle au sein de l’UE. La riposte de Meloni sur l’histoire millénaire de l’Italie est un triomphe rhétorique, mais elle ne résout rien. L’axe du pouvoir n’a pas glissé de Berlin vers les nations souveraines ; il a glissé vers un dangereux déséquilibre où la coopération est remplacée par le chacun pour soi.

L’accord avec l’Albanie est l’illustration la plus troublante de cette logique d’externalisation. Le coût exorbitant ($700$ millions d’euros sur cinq ans, doublant presque) pour des centres de rétention désormais quasi inutilisables suite à l’invalidation de la liste des pays sûrs par la Cour de Justice de l’UE, est un gaspillage monumental de fonds publics. L’Italie investit dans une politique symbolique destinée à rassurer son électorat, plutôt que dans des solutions durables. Ce revers judiciaire n’est pas un affaiblissement des politiques migratoires, mais un rappel de la primauté du droit européen, même (et surtout) quand il est inconfortable. L’intention de Rome de faire de l’Albanie sa poubelle à réfugiés est une abdication de responsabilité.

Le spectre de l’« Ital Exit » est un outil de chantage politique. L’économie italienne, bien que trois fois plus grande que celle de la Grèce, est profondément imbriquée dans le marché unique et dépend des fonds européens de relance. Un référendum, envisagé par $42\ \%$ des Italiens, provoquerait un chaos économique dont l’Italie serait la première victime. En fin de compte, la menace de quitter l’UE renforce l’idée que le nationalisme est une solution viable à des problèmes transnationaux.

La confrontation entre Meloni et Bruxelles n’est pas une bataille pour l’identité de l’Europe ; c’est la bataille du nationalisme contre le supranationalisme. Meloni, en se drapant dans le rôle de « défenseur des nations européennes », divise l’Europe, ouvrant la voie à une désintégration par étapes. En refusant la solidarité, en criminalisant l’humanité et en privilégiant l’image sur la réalité, l’Italie est en train de miner l’Union de l’intérieur. Le vrai danger n’est pas le départ de l’Italie, mais le fait que sa politique de la peur devienne la norme, transformant l’Union en un club d’États égoïstes et xénophobes. La survie du continent dépendra de la capacité de Bruxelles à imposer un mécanisme de solidarité juste, ou de la volonté des citoyens italiens de reconnaître que la dignité humaine ne peut être sacrifiée sur l’autel de la souveraineté absolue.