“On Va Les Massacrer” : Propos Haineux, Tirs Mortels et Couverture de l’IGGN, le Scandale Sainte-Soline Démantelé en Plein Hémicycle


“On Va Les Massacrer” : Propos Haineux, Tirs Mortels et Couverture de l’IGGN, le Scandale Sainte-Soline Démantelé en Plein Hémicycle

Rarement les murs de l’Assemblée Nationale n’auront été le théâtre d’une séquence aussi explosive, mêlant l’horreur des révélations à l’indignation politique. La députée interpellatrice a déballé, en pleine séance, un scandale d’État qui prend sa source dans les champs boueux de Sainte-Soline, le 25 mars 2023. Ce jour-là, une manifestation, initialement décrite par les participants comme “joyeuse”, s’est transformée en zone de guerre, marquée par une violence étatique d’une intensité inouïe.

Les révélations, issues des caméras embarquées des gendarmes elles-mêmes, brossent le portrait glaçant non pas d’une bavure, mais d’une doctrine de répression ultra-violente, portée par des propos de haine, et couverte ensuite par un silence institutionnel de deux ans. La question centrale de l’interpellation adressée au gouvernement par l’intermédiaire du ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, n’est pas seulement celle de la violence policière, mais celle d’une justice qui a failli, d’une hiérarchie qui a dissimulé, et d’une démocratie où les responsables refusent d’assumer leurs actes.

L’Horreur en Direct : Des Mots Qui Glaçent le Sang

La lecture des propos enregistrés par les bodycams des forces de l’ordre a plongé l’Hémicycle dans un silence consterné. Les mots, crus et terrifiants, témoignent d’une intention punitive, d’une soif de violence qui dépasse la simple mission de maintien de l’ordre. On entend un gradé suggérer : « Crève de trucs comme ça, là ce serait bien de faire une et vraiment les massacrer », avant d’ajouter : « des merdes comme ça, il faut les brûler. » Un autre gendarme avoue qu’il a envisagé de sortir son arme personnelle : « ça va vraiment traverser l’esprit de sortir mon pétard, ouais moi aussi mon gars. »

Ces propos ne sont pas isolés. Ils sont accompagnés de la jubilation face à la douleur infligée. Un autre échange, tout aussi choquant, fait état de tirs tendus, interdits, et qui peuvent s’avérer mortels : « Là, honnêtement, j’ai tiré plus que 45. Oh [ __ ] ça fait plaisir ça. Quel tir tendu ça l’histoire. » L’escalade verbale et la violence des intentions sont résumées par ces mots : « Je ne compte plus les mecs qu’on a éborgné. Moi, j’ai envie d’aller les tabasser », puis « J’espère encore qu’on les tue. » L’argument de la légitime défense, immédiatement avancé par le ministre, s’effondre face à de telles déclarations qui trahissent une volonté délibérée de nuire, allant jusqu’à l’injure à l’égard de manifestants au sol : un gendarme s’irrite d’une foule « trop calme » et demande : « Il a pas moyen de leur balancer une grenade là ? »

Les Visages Brisé de Sainte-Soline : Le Prix de la Répression

Le coût humain de cette violence a été rappelé par la députée avec une émotion palpable. Les chiffres sont éloquents : 5 000 grenades tirées en quelques heures, 200 blessés au total, dont quatre gravissimes. Derrière ces statistiques, des noms et des drames individuels : une jeune fille « qui n’a plus de mâchoire », un jeune homme dont la joue était « à moitié arrachée », ou encore Serge, qui attendra trois heures entre la vie et la mort avant d’être pris en charge.

La députée a décrit des scènes de chaos : des visages ensanglantés, des blessés allongés dans la boue sous des couvertures de survie, le tout sous le feu incessant des lacrymogènes. Ces blessés étaient d’ailleurs la cible de tirs tendus depuis des quads lancés à toute allure, allant même jusqu’à défaire une chaîne humaine de soignants qui tentait de les protéger. C’est à la lumière de ces corps meurtris qu’il faut entendre le silence institutionnel qui a suivi.

L’Omerta Institutionnelle : Le Rôle Troublant de l’IGGN

Le point le plus grave du scandale réside dans la gestion de ces preuves par l’Inspection générale de la Gendarmerie nationale (IGGN). Bien que l’inspection ait visionné ces images depuis plus de deux ans, elle n’a pas jugé « bon d’en informer le procureur ». Pourtant, le procureur avait expressément chargé l’IGGN de l’enquête pénale ouverte après les plaintes déposées par les manifestants gravement blessés.

Le processus d’enquête a été non seulement lent, mais malhonnête. La retranscription des vidéos transmises à la justice est qualifiée par la députée de « ni loyale ni honnête », ayant « amoindri la gravité » des faits. En clair, les éléments les plus accablants – les ordres de tirs tendus, la jubilation des gendarmes – ont été occultés. Ce manquement soulève une question fondamentale : l’IGGN est-elle un organisme de contrôle ou un bouclier protégeant la Gendarmerie ?

Le Conflit d’Intérêt de l’Ancien Ministre

L’indignation se tourne inévitablement vers l’ancien ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Malgré la dénonciation des faits par de nombreux élus présents lors de la manifestation, il n’a pas jugé utile d’ouvrir en parallèle une enquête administrative. Ce silence est lourd de sens, car il a conduit à une situation de conflit d’intérêt manifeste.

La députée a rappelé que Darmanin était le plus haut responsable du maintien de l’ordre au moment des faits. Or, l’actuel Garde des Sceaux, son supérieur hiérarchique au ministère de la Justice, est indirectement le supérieur du procureur de la République. Le fait que l’homme politique responsable de l’opération soit en position d’influencer (ou d’être perçu comme influençant) le cours de l’enquête pénale est, en démocratie, un cas d’école de conflit d’intérêt. « En démocratie, il aurait déjà démissionné », a asséné la députée, soulignant le deux poids, deux mesures : participer à une manifestation interdite vaut une simple amende, pas deux semaines de coma pour un citoyen.

La Défense du Gouvernement : Le Paravent du Secret

Face à ces accusations explosives, le ministre de l’Intérieur actuel, Laurent Nuñez, a tenté de circonscrire l’incendie. Il a rappelé d’emblée le contexte : une manifestation « interdite » et une « violence sans nom, inégalée, inédite » face à laquelle 48 gendarmes ont été blessés. Selon lui, la réponse apportée a été « proportionnée ».

Concernant les vidéos et les propos « intolérables » qu’elles contiennent, Nuñez a confirmé avoir demandé l’ouverture d’une enquête administrative, reconnaissant de facto la gravité des faits révélés par la presse. Il a cependant défendu l’IGGN, expliquant que les vidéos avaient été saisies par le parquet de Rennes dans le cadre de la procédure judiciaire et que l’Inspection n’avait pas à l’informer, invoquant le sacro-saint « secret de l’instruction ». Pour Nuñez, l’indépendance des inspections, désormais dirigées par des magistrats, est garantie par le fait qu’il n’ait pas eu connaissance lui-même de ces éléments de procédure.

Cette défense, bien que techniquement valable sur le secret de l’instruction, est apparue comme une tentative de diversion. Elle n’explique en rien l’échec initial de l’IGGN à transmettre une retranscription fidèle des propos et des ordres de tirs tendus au procureur. Elle ne justifie pas non plus pourquoi aucune enquête administrative n’avait été lancée par Darmanin, alors qu’elle aurait pu être ouverte en parallèle de l’enquête judiciaire pour sanctionner les fautes professionnelles, sans interférer avec la procédure pénale.

L’Urgence de la Justice et de la Transparence

L’interpellation a laissé l’Assemblée face à une série de questions non résolues. Pourquoi des gradés ordonnant des tirs potentiellement mortels n’ont-ils pas été immédiatement sanctionnés ? Pourquoi la justice a-t-elle été privée de preuves essentielles ? Et surtout, pourquoi le gouvernement a-t-il laissé planer le soupçon d’une stratégie délibérée de répression ?

Le sort de Serge, d’Alix, d’Olivier, de Michael et de tous les autres blessés de Sainte-Soline est désormais entre les mains de l’enquête administrative, enfin ouverte, et de la procédure judiciaire, désormais complète. Mais au-delà des sanctions individuelles, c’est l’indépendance des instances de contrôle, la responsabilité politique des ministres et la garantie d’un procès équitable qui sont en jeu. La nation attend désormais que ceux « qui salissent l’uniforme ne devraient pas être au-dessus de la justice », une exigence qui, en Macronie, demande un acte d’une rare hauteur.