Tempête à France Télévisions : Delphine Ernotte en garde à vue dans une affaire de favoritisme à Nice

Après l'éviction de Laurence Boccolini et Anne-Sophie Lapix, Delphine  Ernotte placée en garde à vue - Public

Nice – 30 juin 2025. C’est un coup de tonnerre dans le paysage audiovisuel et politique français. Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions depuis 2015, a été placée en garde à vue ce lundi matin. Elle est entendue dans le cadre d’une enquête ouverte pour des soupçons de détournement de fonds publics et de prises illégales d’intérêts. En toile de fond, deux événements organisés en 2023 à Nice, sur fond de relations entre politique locale, service public et intérêts personnels.

Une enquête aux ramifications multiples

L’enquête, désormais entre les mains de la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Marseille, porte sur l’organisation de deux événements phares ayant eu lieu à Nice : l’Eurovision Junior 2023 et le Nice Climate Summit, deux vitrines de la ville, mêlant culture et diplomatie verte.

L’affaire avait démarré discrètement à l’été 2024, lorsque le parquet de Marseille a ouvert une procédure judiciaire après plusieurs signalements. Les chefs d’accusation sont lourds : détournement de fonds publics, faux et usage de faux, et prises illégales d’intérêts. Très vite, les soupçons ont convergé vers le couple formé par Christian Estrosi, maire de Nice, et Laura Tenoudji, journaliste bien connue des téléspectateurs de Télématin sur France 2, mais aussi épouse de l’édile niçois.

Une garde à vue à haut niveau

Ce lundi 30 juin, ce sont donc plusieurs personnalités publiques qui ont été convoquées pour être entendues dans cette affaire. Aux côtés de Delphine Ernotte, figuraient Laura Tenoudji, ainsi que Christian Estrosi. D’après les informations confirmées par l’AFP, la présidente de France Télévisions a été placée en garde à vue dans la journée, une mesure qui témoigne de la gravité des faits reprochés.

C’est notamment le financement de l’Eurovision Junior, estimé à 605 000 euros de fonds publics, qui suscite la controverse. Le rôle joué par France Télévisions dans la couverture et l’organisation de l’événement, ainsi que le choix de Laura Tenoudji pour co-animer la cérémonie d’ouverture, ont soulevé de nombreuses interrogations.

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Laura Tenoudji, entre projecteurs et soupçons

Présente depuis des années sur les écrans du service public, Laura Tenoudji est une figure familière du petit écran. Sa sélection comme co-présentatrice de la cérémonie d’ouverture de l’Eurovision Junior à Nice a pourtant éveillé les soupçons de favoritisme, en raison de sa double casquette de journaliste et d’épouse du maire.

Cette nomination pose la question de l’éventuelle intervention de Christian Estrosi dans les décisions éditoriales et logistiques autour de l’événement. Les enquêteurs cherchent à déterminer si le couple a profité de sa position pour influencer les dépenses publiques et le choix des intervenants.

Le Nice Climate Summit également dans le viseur

L’affaire ne s’arrête pas à l’Eurovision. Le Nice Climate Summit, grand rassemblement sur les enjeux climatiques organisé en 2023 par le média économique La Tribune, est également visé par l’enquête. Là encore, la proximité entre les organisateurs et les institutions publiques pourrait avoir débouché sur des conflits d’intérêts.

Jean-Christophe Tortora, président de La Tribune, a lui aussi été convoqué lundi dans le cadre des investigations. Selon une source proche du dossier citée par l’AFP, des liens financiers et contractuels suspects auraient été noués dans le cadre de cet événement, qui visait à positionner Nice comme une capitale verte de la Méditerranée.

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France Télévisions sous pression

Pour France Télévisions, cette affaire tombe à un moment délicat. L’institution, qui cherche depuis plusieurs années à redorer son image et renforcer la confiance du public, se retrouve désormais au cœur d’un scandale mêlant haute administration, politique locale et soupçons d’arrangements entre amis.

La garde à vue de Delphine Ernotte, qui devait initialement quitter ses fonctions fin 2025, vient assombrir un bilan jusque-là salué pour la modernisation de l’audiovisuel public. Elle devra désormais répondre de son rôle dans l’organisation de ces événements et de sa connaissance – ou non – des pratiques dénoncées.

Une dizaine de personnes convoquées

En tout, une dizaine de personnes ont été convoquées ce lundi dans le cadre de l’enquête, ce qui laisse présager une affaire de grande ampleur. Les suites judiciaires dépendront des éléments recueillis par les enquêteurs dans les jours à venir, mais les chefs d’accusation pourraient déboucher sur des mises en examen.


Et maintenant ?

Cette affaire pose à nouveau la question de la porosité entre sphères médiatique, politique et économique en France. À l’heure où la transparence est devenue une exigence citoyenne, ces révélations pourraient avoir un impact profond sur la gouvernance des médias publics, la gestion des fonds des collectivités et la crédibilité des grands événements.

Il faudra désormais suivre de près les conclusions de la JIRS de Marseille, mais une chose est sûre : cette affaire pourrait bien marquer un tournant dans la manière dont sont contrôlés les liens entre médias, pouvoir local et argent public.

Delphine Ernotte et Laura Tenoudji ("Télématin") entendues par la justice -  Public